• Peintre, artiste, graveur, illustrateur
  • 1886 – 1968
  • Japonais – Français

Tsugouharu Foujita

Tsugouharu Foujita ou Tsuguharu Fujita (藤田 嗣治, Fujita Tsuguharu?), connu aussi sous son simple nom de famille, Foujita, ou sous le nom adopté à la fin de sa vie, Léonard Foujita, né le 27 novembre 1886 à Tokyo (Japon) et mort le 29 janvier 1968 à Zurich (Suisse), est un peintre, dessinateur et graveur français d’origine japonaise, également illustrateur, céramiste, photographe, cinéaste et styliste.

Biographie

Enfance et adolescence au Japon

Tsuguharu (Héritier de la Paix) Fujita (Foujita à son arrivée en France) est fils du général Tsuguakira Fujita, médecin de l’Armée impériale japonaise et de Masa, qui meurt prématurément en 1891 à Kumamoto. Tsuguharu a un frère ainé et deux sœurs qui le protègent au moment du drame. Le berceau familial est particulièrement cultivé et ouvert aux idées occidentales nouvelles.

Inscrit aux cours de français dès l’école primaire, Tsuguharu étudie la peinture de style occidental aux Beaux-Arts de Tōkyō, obtient son diplôme en 1910 et n’a qu’une idée en tête : aller à Paris. En 1913, il s’embarque finalement pour Marseille et débarque à Paris dans le quartier du Montparnasse le 6 août au matin. Il s’est engagé auprès de sa famille à revenir au bout de trois ans, notamment pour épouser sa fiancée Tomiko.

Arrivée à Paris

Le lendemain, le peintre chilien Manuel Ortiz de Zarate, qui l’aborde à la terrasse d’un café, l’entraîne chez Pablo Picasso qui provoque le premier grand choc de sa vie d’artiste. Les compositions cubistes et les peintures du Douanier Rousseau de l’atelier de Picasso le poussent à oublier ce qu’il sait et à se jeter à fond dans la bataille des avant-gardes de l’art moderne que livre une centaine d’artistes de son âge décidés comme lui à imposer leurs idées nouvelles à Paris. Déjà bien avant la Première Guerre mondiale, l’École de Paris existe pour éclore tout à fait après 1918. Foujita en devient l’une des stars. Amedeo Modigliani, Jules Pascin, Hermine David, Moïse Kisling, Chana Orloff, Chaïm Soutine, André Derain, Maurice de Vlaminck, Fernand Léger, Juan Gris, Henri Matisse et, en général, tous ses voisins de Montparnasse, dont le peintre japonais Ruytchi Souzouki deviennent ses amis.

Les premières expériences à Paris et Londres

Après avoir résidé à l’Hôtel d’Odessa (en 1913), Foujita partage l’atelier de son premier ami japonais à Paris, Kawashima, dans une zone mal définie proche des fortifications au sud de Montparnasse. Ils suivent l’enseignement néo-grec de Raymond Duncan. Il hésite entre la danse et la peinture. Après un séjour à Londres en 1914, il revient cité Falguière, près de Soutine et Modigliani, jusqu’à ce qu’il rencontre sa première femme, Fernande Barrey en 1917, et qu’il installe son atelier dans sa cour, au no 5, rue Delambre, où il restera jusqu’en 1924.

Les premiers succès parisiens

Sa première exposition personnelle financée par François Coty chez Georges Chéron en juin 1917 est un triomphe ; il expose 110 aquarelles dans un genre mi japonais, mi-gothique que Picasso admire. Avec ses gains, il offre un oiseau à Fernande, qui est à l’origine de cette exposition et installe chez eux une baignoire avec l’eau chaude courante, ce qui fait aussi le bonheur des modèles, dont Kiki de Montparnasse, modèle favori, dont on admire la beauté dans le fameux Nu couché à la toile de Jouy (musée d’art moderne de la ville de Paris). En odalisque alanguie, le nu de Kiki fait sensation au Salon d’automne de 1922 et se vend l’énorme somme de 8 000 F.

Si Kiki de Montparnasse était cruciale à son succès, il n’en n’était pas moins qu’elle restait un modèle difficile. Il raconte, dans sa préface pour Souvenirs :

“Quand elle a quitté son manteau, elle était absolument nue […]. Elle prend ma place devant le chevalet, me demande de ne pas bouger et tranquillement commence à dessiner mon portrait. Elle m’a demandé de l’argent de sa pose et triomphalement est partie, son croquis, sous le bras. Trois minutes après, au café du Dôme, un riche collectionneur lui avait acheté un prix fou, ce croquis.”

En 1918, le poète et marchand polonais Léopold Zborowski entraîne Soutine, Modigliani et sa femme, Jeanne Hébuterne, avec Foujita et Fernande à Cagnes, pour s’abriter des bombes et vendre leurs peintures dans les palaces de la Côte d’Azur. C’est un moment fort pour Foujita qui peint avec ses deux amis pendant tout un été et qui rencontre Auguste Renoir juste avant sa mort.

Très rapidement, en particulier après ses trois premières expositions personnelles, Foujita connaît la gloire. Il est de tous les Salons de peinture, non seulement à Paris mais aussi à Bruxelles, en Allemagne, aux États-Unis et au Japon ; son nom et les photographies de ses exploits illustrent de nombreux articles de la presse nationale et internationale.

Le triomphe des Années folles à Montparnasse

Alors que Fernande se détourne de lui, Foujita rencontre à la Rotonde Lucie Badoud, qu’il surnomme Youki (Yuki signifie « Neige » en japonais), à cause de la blancheur de sa peau ; elle devient non seulement sa muse mais aussi une égérie de Montparnasse. Ils sont de tous les bals et les stars des Années folles.

Le succès de Foujita tient à son style tellement original et nouveau qui le situe à la frontière de l’Orient et de l’Occident, dans un registre où il excelle. Ses sujets, de préférence occidentaux, sont dessinés avec sobriété et minutie sur des fonds ivoire de sa fabrication, qui lui permettent de déposer un fin et vigoureux trait noir et des couleurs à l’huile transparentes et légères. Foujita remet en vigueur un second japonisme. Ses tableaux de femmes, d’enfants et de chats entrent dans les plus grandes collections.

En 1925, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur en France. C’est sans doute l’un des artistes qui gagne le plus d’argent. Il est envié et inconscient de l’ampleur de sa réussite. Celle-ci lui attire en 1928 un lourd redressement fiscal qui va bouleverser sa vie. Afin d’aller y vendre ses œuvres, il retourne à Tokyo avec Youki après dix-sept ans d’absence et après avoir répudié sa première fiancée. Il doit diminuer son train de vie, vendre maison et voiture et perd Youki, follement éprise de Robert Desnos. Après avoir tenté l’expérience d’une vie à trois, Foujita ne voit qu’une issue possible, quitter Paris.

Période d’itinérance et retour avec succès au Japon

Il part fin décembre 1931 avec son modèle, Madeleine, pour un voyage extraordinaire de deux ans en Amérique latine. Il se contente de laisser une lettre d’adieu à Youki et de recommandation à Desnos. Madeleine, dite Mady Dormans, l’aide à surmonter ses déboires et leurs découvertes, Brésil, Argentine, Colombie, Pérou, Mexique et Californie, lui redonnent goût à la vie et à la peinture. Au Brésil, il est accueilli à Rio de Janeiro, en octobre 1931, par le peintre Candido Portinari. Le couple vit du fruit des expositions et arrive à Tokyo le 16 novembre 1933. Il y est accueilli comme une vedette et, très vite, organise à la galerie Nichido une succession d’expositions. Il devient alors membre de Nikakai et réalise de grandes peintures murales. Madeleine meurt soudainement d’une overdose à Tokyo en juin 1936. Il fait la connaissance d’une jeune Japonaise, Kimiyo Horiuchi, auprès de qui il trouve le réconfort. En 1938, Foujita se rend en Chine avec d’autres peintres, comme Ryōhei Koiso, en tant que peintre attaché aux armées en guerre.

Bref retour à Paris et période de la guerre au Japon

Il séjourne à nouveau à Paris de 1939 jusqu’à l’arrivée des Allemands en mai 1940. De 1939 à 1945 il travaille à des œuvres et des expositions de peintures de guerre, dont « Sensō-ga », La Bataille de la rive de la rivière Khalka (哈爾哈河畔之戦闘) (voir bataille de Halhin Gol) et La Charge suicide d’Attu (アッツ島玉砕). Sa collaboration au militarisme japonais, puis avec les Américains, sera à l’origine de critiques à l’après-guerre.

Sur son action dans l’armée impériale japonaise pendant cette période, l’historien J.-L. Margolin écrit que « figure de proue des peintres de guerre, il n’avait jamais manifesté le plus petit doute, même en privé, quant à la justesse de la cause impériale ». Une organisation japonaise précisant même en 1946, que Fujita « collabora de la façon la plus active et la plus énergique avec l’armée au travers de son travail artistique. S’investit par écrit dans la propagande militariste. Voix écoutée dans le monde de l’art, comme dans la société, il eut un rôle important dans les mouvements militaristes et une influence extrêmement forte sur l’ensemble du peuple ». Cela ne l’empêcha pas d’être, dès 1945, « le principal collaborateur des Américains dans le domaine de l’art […] de rassembler pour eux des peintures de guerre, sans se priver au passage de placer certains de ses propres tableaux dans les meilleures collections américaines ».

Renaissance à New York

Seul son départ définitif du Japon pourra l’apaiser. Après une attente de trois années pour obtenir un visa, Foujita s’envole pour New York en 1949, protégé par le général MacArthur. Kimiyo, celle qui sera sa dernière épouse, le rejoint quelques semaines plus tard. Les peintures qu’il expose à la galerie Komor à New York demeurent parmi ses chefs-d’œuvre, dont Au Café (Paris, musée national d’art moderne).

Retour définitif à Paris, conversion au christianisme et apaisement mystique

Le 14 février 1950, Il retrouve Paris et s’installe avec Kimiyo de nouveau à Montparnasse, renouant avec ses anciens marchands et le succès. Paul Pétridès, Romanet et Jeanne Jarrige-Bernard sont ses principaux marchands. Ils lui organisent des expositions en Algérie, au Maroc et en Espagne. Son ami Georges Grosjean, journaliste, et Victor Berger-Vachon l’aident dans sa nouvelle carrière. Il repart à zéro à Paris. Il mène une vie calme, laborieuse, sereine et retirée du monde. Il se rend régulièrement à la cité Falguière pour dîner chez son ami Tadashi Kaminagai, qui, sur sa recommandation, s’était installé pour quelques années au Brésil en 1941 et y avait rencontré le succès.

En 1955, il obtient la nationalité française.

Il se convertit au catholicisme le 14 octobre 1959, après avoir connu, en compagnie de son ami Georges Prade, une illumination mystique en visitant la basilique Saint-Remi, à Reims. Sa marraine est Béatrice Taittinger, son parrain René Lalou ; il prend le prénom baptismal de « Léonard », en l’honneur du bienheureux Léonard Kimura, l’un des martyrs du Japon. Le prénom évoque aussi l’amour qu’il voue à l’art de Léonard de Vinci.

Il achète en 1960 une petite maison à Villiers-le-Bâcle, dans la vallée de Chevreuse, où il aspire à une retraite mystique et artistique avec sa femme, recevant seulement de très bons et vieux amis.

En 1964, il décide avec René Lalou — son parrain, qui dirigeait la maison de champagne Mumm —, de bâtir et décorer une chapelle à Reims : la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix, dite chapelle Foujita, commencée en 1965, et terminée en 1966. Son dernier grand chantier sera les fresques de cette chapelle en étroite collaboration avec l’architecte rémois Maurice Clauzier.

Léonard Foujita meurt d’un cancer le 29 janvier 1968, à Zurich, en Suisse. Après avoir été inhumé à Reims, puis exhumé pour le cimetière communal de l’église Notre-Dame de l’Assomption de Villiers-le-Bâcle (Essonne), sa dépouille mortelle repose à nouveau (depuis le 6 octobre 2003) dans la chapelle Foujita à Reims, auprès du corps de sa dernière épouse qui l’a rejoint en 2009.

Parcours artistique

Période des années 1920 et 1930

En 1921, il voyage en Italie. Il est impressionné notamment par les œuvres de Michel-Ange à la chapelle Sixtine. À partir de 1923, il intensifie le modelé de ses corps. Il réalise des études détaillées de l’anatomie à partir d’un travail préparatoire à la mine de plomb, au fusain et à l’encre. Ses fonds semblaient aussi lisses et satinés que de l’ivoire. L’utilisation seule de teintes grisées sur un blanc opale fait écho à la sculpture. L’intérêt de Foujita pour l’art de la Renaissance (les œuvres du XVIe siècle et celles du Trecento) est commun avec d’autres peintres de l’entre-deux guerres. Ce retour au classicisme, à la représentation de la figure humaine et ce goût pour la fréquentation des musées d’art est défini dans la peinture comme un « rappel à l’ordre » (terme emprunté à un opuscule de Jean Cocteau, paru en 1926).

Foujita se distingue cependant de ses contemporains en employant une technique qui ressemble à celle de la peinture sur ivoire. Sa technique se caractérise par l’utilisation du cerné noir réalisé avec un pinceau fin et l’emploi de couleurs finement poudrées posées en transparence. À une époque où beaucoup de ses contemporains mettaient en œuvre une couleur pure avec une accumulation de la matière, Foujita mettait au point une œuvre toute en transparence, plus proche du dessin que de la peinture.

Il ne réalise plus de grands groupes de nus dans les années 1930, même si son attrait pour le monumental se poursuit. Ses œuvres deviennent plus colorées, linéaires et narratives. En 1930, il peint quatre tableaux : Le Salon à Montparnasse, La Dompteuse au lion, Trois femmes et Le Triomphe de la vie sur la mort. Les formes de ses modèles féminins sont outrancières : ces œuvres d’une crudité jusque-là inconnue l’éloignent du raffinement et de l’élégance de ses œuvres antérieures, caractérisées par une ligne épurée des personnages, la délicatesse des tonalités et l’aspect quasi émaillé de ses tableaux.

Peu attiré par l’audace des compositions cubistes en vogue à son époque, Foujita préfère retenir dans la peinture occidentale l’art de la figuration, l’art du rendu des volumes, le sens des ombres qui modulent les formes, la souplesse de la ligne. Il porte une attention particulière à l’art du glacis qui, par superposition de fines couches de peinture à l’huile, apporte de la transparence aux couleurs d’impression.

Des techniques orientales de la peinture, il retient l’art de l’estampe de l’époque Edo, l’ukiyo-e (travail avec des couleurs à l’eau appliquées par frottement à l’aide d’un tampon à feuilles de bambou, le baren). La transparence des coloris obtenus valorise le tracé de contour exécuté à l’encre : le sumi. En utilisant simultanément la technique de la peinture à l’huile et celle des estampes, les œuvres de Foujita présentent un caractère inédit. Ses huiles sur toile ressemblent plus à des dessins et sa matière picturale semble presque évanescente. Les critiques français ont employé l’expression « grands fonds blancs » pour qualifier ses œuvres, tandis que les critiques japonais ont utilisé la formule « blancheur de lait ».

En 1928, il réalise quatre tableaux de format carré mesurant chacun trois mètres sur trois. Cet ensemble composé de deux diptyques propose d’une part des lutteurs (diptyque Combats) et, d’autre part, des personnes enlacées et alanguies (diptyque Grande composition avec le panneau de gauche intitulé Composition au lion et le panneau de droite Composition au chien). Deux atmosphères antagonistes se dégagent de l’ensemble avec une vision dynamique (Combats) d’un côté et plus sereine de l’autre (Grande composition).

Les corps des personnages des tableaux sont inspirés par ceux de la sculpture grecque (les kouroi), de Michel-Ange et de Rodin (Le Baiser), des œuvres de la Renaissance italienne, de L’Enlèvement des Sabines, de Poussin et de Vénus à son miroir, de Diego Vélasquez. L’iridescence des fonds qui rappellent l’utilisation, par les artistes de l’ukiyo-e, de mica, de coquillage et la sûreté du trait témoignent de l’influence orientale. Foujita commence par réaliser sur papier des dessins à la mine de plomb, au fusain et à l’encre. Sur ces premières esquisses, il ajoute des ombres. Il reprend ensuite chacun des motifs sur des calques, parfois teintés, reproduisant plusieurs fois son tracé. Ce dessin préparatoire sur papier transparent est inspiré de l’art de l’estampe japonaise, où le peintre trace d’abord le sujet à grands traits, le dessin à l’encre étant ensuite repris par le graveur qui fait ressortir les lignes en un tracé continu et fin. Foujita s’inspire de cette technique en utilisant des calques pour en relever les contours sur la toile, soit par transparence en les apposant au revers du tableau qu’il éclaire, soit de mémoire en plaçant le dessin à côté de son châssis. Il utilise directement l’encre ou l’huile avec un pinceau fin japonais.

Parfois, Foujita peut réaliser un dessin préparatoire d’ensemble, comme pour le tableau Avec qui voulez-vous lutter ? (1957). Il découpe ensuite le papier figure par figure, avant de réaliser le tableau définitif. Cette technique, inspirée de la tradition japonaise, lui permet de reproduire plus facilement à main levée son motif sur la toile en séparant chacune des figures. Dans l’art du tsukuri-e (« dessin construit »), le peintre dessine une première esquisse très détaillée puis la reproduit plusieurs fois plus ou moins librement avant de commencer son travail définitif en découpant scène par scène sa composition. Foujita dessinait souvent en étant accroupi comme le font beaucoup de peintres japonais.

La reproduction de mémoire des esquisses préparatoires permet au peintre d’intégrer un jeu de représentations en miroir en recopiant des figures inversées. Dans la Grande composition, il reproduit deux fois la figure du Baiser, influencé par la sculpture de Rodin, mais en inversant le sens des modèles et en invertissant le coloris des chevelures des personnages. Il les a représentés sur deux panneaux différents, contribuant ainsi à créer un lien entre les deux tableaux et à intensifier la diagonale du diptyque. Après avoir posé le contour de chaque figure, Foujita façonne le modelé de ses modèles par frottements et essuyages. Il applique ensuite à la brosse et en très fines couches des jus à l’huile colorés en petite quantité (huile de lin, blanc de plomb, silicate de magnésium [talc], de carbonate de calcium [craie] et de pigments d’origine végétale ou organique).

Le peintre emploie le blanc non comme une matière couvrante mais en transparence. L’utilisation du talc permet d’obtenir la délicatesse des carnations et les grisés du modelé des corps humains. Les sujets du tableau sur un fond blanc immaculé semblent flotter sans repères et un aspect désordonné se dégage de l’ensemble. Foujita unifie son œuvre en terminant par le fond qu’il grise et façonne avec un tissu imprégné de pigments noirs. Une zone blanche est laissée autour des contours mettant en relief chaque motif. Cette unité ténue grâce au fond grisé est confortée par une ligne d’horizon pour le diptyque Combats et un jeu de draperies pour le celui de Grande composition.

L’unité des deux huiles sur toile est obtenue par la représentation de deux hommes soulevant un tonneau, répartie sur chacun des deux panneaux du diptyque.

Période de la guerre au Japon

Il réalise des tableaux de propagande respectant les contraintes imposées (sujet, format, modalité d’exécution) par le gouvernement japonais. Ses premières œuvres présentent une vision héroïque idéalisée. Cet engagement du peintre auprès de l’armée impériale traduisait à la fois une ambition picturale et un respect filial à la tradition. Il avait pourtant réussi à prendre ses distances. En effet, ces commandes étaient destinées à valoriser l’acte guerrier. Mais le peintre y répondra en mettant en valeur les désastres de la guerre. Ainsi, à partir de 1942, et notamment avec son tableau Le dernier jour de Singapour, ses toiles mettent en relief la destinée tragique des soldats dans leur singularité et leur anonymat. Avec La Mort lumineuse aux îles d’Attu (1943), Foujita a mis en scène 2 500 réservistes japonais affrontant les troupes américaines. Combattants, blessés et soldats morts se mêlent dans un corps à corps qui occupe les deux tiers du tableau. L’œuvre fait écho à La Tranchée, d’Otto Dix et au Radeau de la Méduse, de Théodore Géricault. Cette œuvre se caractérise par l’absence de personnage central, d’ordre, de hiérarchie entre les personnages et de premier plan. Le spectateur est happé par la violence macabre de l’œuvre, soldats américains et japonais semblant être unis dans une destinée tragique. La présence de fleurs bleues près de la signature du peintre semble lancer un message d’espoir.

Foujita a cependant rédigé pendant la guerre des écrits, amplement diffusés, mettant en relief son engagement patriotique, qui contrastent avec le désespoir qui l’anime en peignant ses tableaux.

On peut s’interroger sur l’origine de ces écrits et se demander si Foujita ne les découvrit pas au même moment que les lecteurs.

Après la capitulation du Japon le 15 aout 1945, les États-Unis, pour faire disparaitre tout signe de propagande impérialiste et d’antiaméricanisme, s’intéressent aux commandes de tableaux par l’armée japonaise. Le gouvernement japonais est sollicité par le bureau tokyoite de la section des biens historiques du département de guerre pour obtenir la mise à disposition de Foujita — qui est l’artiste considéré comme le plus pertinent pour rassembler ces œuvres. Les œuvres transportées par les États-Unis après la guerre ont été restituées sous forme de prêt à durée indéterminée au Japon en 1970. Ces œuvres sont conservées actuellement au musée national d’art moderne de la ville de Tokyo.

Cette mission fera basculer Foujita du statut de héros à traitre et collaborateur. Cette remise en cause a été ressentie comme une injustice par le peintre. Désirant quitter le Japon pour toujours, il obtient un visa auprès des États-Unis en mars 1949. Il rappelle qu’un peintre ne doit s’occuper que de peinture. Seuls « la paix et le beau véritable » doivent être recherchés avec obstination. Cette nouvelle vision de la place de l’artiste dans la société allait contribuer à créer une rupture dans son parcours artistique.

L’après-guerre

Son univers artistique change après la guerre. Il représente un environnement idéalisé, avec des enfants et des paysages paisibles. Foujita met en scène des personnages inspirés de Francisque Poulbot. Il se prononce pour le parti des « verts paradis des amours enfantines ».

Si l’âpreté de l’existence n’est jamais visible, les œuvres présentent quand même un aspect inquiétant et sombre. Dans ses tableaux Hommage à La Fontaine (1949), des animaux sont rassemblés autour d’une table pour prendre leur repas. Au mur apparaît une œuvre de l’artiste. Avec un maniérisme allégorique intensifié, ces toiles témoignent de la défiance d’un homme blessé par les critiques. Il essaie de reconstruire un monde éloigné des affres de la guerre et des conflits internationaux.

Le Baptême des fleurs reprend le thème issu du tableau des Trois Grâces de Raphaël. Les femmes ressemblent à des personnages issus des contes de fées, mais le spectateur éprouve une crainte sourde et une menace diffuse à la vision de ce trio.

La peinture religieuse

Foujita s’est intéressé très tôt à l’art religieux. Il a étudié l’art occidental et ses racines gréco-romaines, le monde antique du Proche-Orient (comme l’art égyptien qui est fortement ancré dans le religieux). Il connait parfaitement l’iconographie religieuse grâce à la découverte de ses représentations lors de ses périples en Europe, en Amérique latine et dans la fréquentation de tous les musées internationaux. Il participe brièvement à l’expérience insolite de Raymond Duncan, frère d’Isadora Duncan, qui a créé l’Akademia Duncan à Paris, où sont proposés des ateliers de tissage, de danse et de sculpture. Raymond Duncan, peintre, sculpteur et poète, passionné par la Grèce antique, enseignait dans son académie le retour à l’hellénisme, y compris dans la vie courante. En 1908, il avait aussi créé à Berlin une colonie grecque. En 1917, il peint plusieurs versions de La Mort de Bouddha. En 1918, il réalise plusieurs sujets religieux comme la Vierge à l’enfant, des femmes en prière ou le Christ en croix. Il a peint de grandes figures stylisées à la manière des primitifs (peinture italienne et française du XIVe siècle) et des imagiers du Moyen Âge abordant des thèmes de la légende chrétienne.

Une importante exposition à Paris en 1904 avait mis à l’honneur les primitifs. Elle avait été marquée par l’entrée de Pieta d’Avignon, œuvre d’Enguerrand Quarton, peinte autour de 1445, découverte par Prosper Mérimée dans une église paroissiale de Villeneuve-les-Avignon en 1834. Elle avait profondément impressionné Foujita qui avait pu admirer les tableaux peints sur bois, les contours incisés, la netteté des aplats qui valorisaient le plissé des draperies. Il y retrouvait certaines réminiscences de l’art japonais : précision et netteté du trait, fonds dorés, mise en œuvre de la couleur par grands aplats. Mais la personnalité de Foujita imprègne ses œuvres : sa ligne est plus nerveuse et il a une attention particulière au rendu de l’arrière-plan. Auparavant, il réalisait un travail s’apparentant plus à une patine. Désormais, il applique des feuilles disjointes qui laissent apparaitre à certains endroits des fonds blancs. Un effet géométrique anime l’arrière-plan des toiles religieuses.

Le choix de la représentation de la religion chrétienne chez le peintre japonais Foujita s’explique par la fréquentation régulière des musées où ses thématiques dans l’art pictural sont nombreuses et sa volonté d’afficher son intégration à la France, pays à dominante catholique où les signes religieux sont présents dans la vie quotidienne. Foujita s’est converti au catholicisme et a été accompagné dans sa démarche par des personnalités religieuses éminentes, comme le cardinal Daniélou.

À partir de 1927, il interrompt sa production de tableaux en lien avec la religion pour la reprendre à partir de 1951. En 1963, il peint une œuvre singulière : Adoration. Foujita et sa femme Kimiyo y sont représentés en donateurs. Le peintre a été influencé par la tradition des tableaux de dévotion avec commanditaires, si nombreux dans l’Europe du nord et chez les primitifs italiens. En arrière-plan, à droite, est représentée sa maison de Villiers-le-Bâcle avec le paysage de la vallée de Chevreuse où Foujita vivait. À gauche, toujours en arrière-plan, est dessinée la campagne italienne. Le couple porte des habits qui n’appartiennent à aucun ordre religieux. Foujita y arbore la médaille offerte par le pape Jean XXIII lors d’une audience privée en 1960. Au premier plan, les oiseaux évoquent Saint François d’Assise parlant aux oiseaux de Giotto, et le lapin fait écho au lièvre gravé par Dürer ou à La Vierge au lapin, du Titien. Le peintre a donc pris une certaine liberté avec les codes de la symbolique chrétienne.

Son baptême à la cathédrale de Reims a été suivi par 17 télévisions venues du monde entier. Il choisit pour prénom de baptême Léonard en hommage à Léonard de Vinci, entre autres.

Source : Wikipédia

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